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République centrafricaine : Faustin-Archange Touadéra, “homme de paix”

Élu par surprise en pleine guerre civile en 2016, ce professeur de mathématiques pures, diplômé de l’Université de Lille en France, s’est métamorphosé en sept ans : d’un technocrate discret promettant la paix, il est devenu un chef d’État sûr de lui, mais aussi de plus en plus contesté.

Âgé de 66 ans, l’ancien Premier ministre du président François Bozizé (de 2008 à 2013) s’accroche aujourd’hui au pouvoir. Ses détracteurs le surnomment “Président Wagner”, en référence à la société militaire privée russe qui soutient activement son régime.

À la suite de l’annonce, lundi, de l’adoption d’une nouvelle Constitution lors d’un référendum — par une majorité écrasante — M. Touadéra a désormais la possibilité de briguer un troisième mandat en 2025, ce que l’ancienne loi fondamentale interdisait. Une perspective qui alimente les critiques de l’opposition, l’accusant de vouloir devenir “président à vie”.

S’il est réélu dans deux ans, il pourrait totaliser seize années au pouvoir dans un pays parmi les plus pauvres du monde.


Un Président sous influence russe ?

Surnommé “FAT”, Faustin-Archange Touadéra apparaît aujourd’hui isolé sur la scène internationale. Il est accusé par l’ONU, des ONG internationales et plusieurs chancelleries occidentales d’avoir échangé la survie de son régime — et une paix toute relative — contre les maigres ressources de son pays, notamment l’or et les diamants, désormais exploités par des entreprises russes liées au groupe Wagner. Pendant ce temps, la Centrafrique reste dépendante de l’aide humanitaire internationale.

Son régime fragile, menacé par une nouvelle rébellion et sauvé in extremis du chaos par l’intervention massive des mercenaires russes en 2020, donne l’image d’un président au mieux “prisonnier” d’intérêts étrangers, au pire “otage” de Wagner et de ses mercenaires “prédateurs”. Ce sont d’ailleurs les termes employés par le président français Emmanuel Macron en mai 2021. L’ancienne puissance coloniale a depuis largement perdu son influence militaire et économique au profit de Moscou.


Une paix contestée

Depuis 2020, les combats de type guérilla se poursuivent dans les campagnes, et les accusations de crimes contre les civils commis par des soldats ou mercenaires russes se multiplient. La force de maintien de la paix de l’ONU sur place (Minusca) se montre impuissante face à ces exactions.

Pourtant, les partisans de Touadéra le présentent toujours comme un “homme de paix”. Ils lui attribuent le mérite d’avoir ramené la sécurité dans de vastes zones du pays et d’avoir conclu l’accord de Khartoum en 2019 avec 14 groupes armés. Cet accord a permis d’intégrer plusieurs chefs rebelles au gouvernement ou à l’administration, en échange du désarmement de leurs milices.


Un équilibre instable

Dès son premier mandat, “FAT” a dû composer avec une mosaïque de clans et de mouvements qui l’avaient soutenu au second tour pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale. Ce n’est qu’en 2018 qu’il est parvenu à fédérer ces groupes au sein de son Mouvement Cœurs Unis (MCU).

Mais selon certains observateurs, en intégrant des figures issues de la guerre dans l’appareil d’État, il aurait “fait entrer les loups dans la bergerie”, se rendant aujourd’hui dépendant de chefs de guerre liés aux Russes ou à leurs intérêts économiques dans certaines régions.


Le poids de l’embargo

Son gouvernement affirme que l’isolement international l’a forcé à se tourner vers Moscou. L’ONU avait en effet imposé un embargo strict sur les armes, tandis que les groupes rebelles, eux, continuaient à s’en procurer dans la région. Ce n’est que le 27 juillet que l’embargo a été partiellement levé pour les forces gouvernementales, une décision perçue à Bangui comme une “insulte”, malgré le soutien affiché de la Chine et de la Russie pour une levée totale.


Une trajectoire ambivalente

Avant que les hommes de Wagner ne s’imposent à Bangui et dans les régions minières, Faustin-Archange Touadéra bénéficiait d’une certaine estime sur la scène internationale. Originaire de Damara, à 60 km au nord de la capitale, il avait courageusement accepté de prendre la tête d’un État failli, ravagé par les conflits.

Mais se sentant “abandonné”, il s’est progressivement rapproché de la Russie. Pour certains spécialistes de la région, Touadéra est devenu un “animal politique”, jouant d’un style ambigu, tantôt impassible, tantôt affable.

« Sa marque de gouvernance consiste à dire oui à tout le monde sans jamais trancher publiquement », affirme Charles Bouessel, consultant principal pour le think tank International Crisis Group (ICG).

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